Call of duty : Modern warfare est le nom d’un jeu vidéo que Thibault Brunet a pratiqué en gamer assidu. Un appareil photo donné à son avatar dans le cadre d’une mission de combat en Afghanistan lui fait finalement lâcher snippers et mitraillettes pour entamer une libre exploration de l’espace du jeu dont ses images témoignent.
Entièrement réalisées à l’intérieur de jeux vidéo, les photographies de Thibault Brunet explorent des paysages et mettent en scène des personnages virtuels dans des situations purement imaginaires. Un réalisme confondant se dégage pourtant de ces images qui simulent la photographie de portraits (série First person shooter), le reportage de guerre (série Landscape), les vues urbaines ou d’architecture. Faux-semblants d’humanité et simulacres fournissent les ressorts narratifs de ces images. Embarqué dans un monde reconstitué, l’œil est à la fois désorienté et fasciné. Thibault Brunet parvient ainsi à développer une forme singulière de dépaysement. Sa série Vice City s’inscrit en contradiction avec l’univers excitant du jeu vidéo puisqu’elle s’attache aux seuls décors, invitant à leur contemplation. Observateur solitaire de ces toiles de fond ignorées des joueurs, trop occupés par leurs avatars, Thibault Brunet réalise un singulier carnet de voyage, livrant des tableaux ambigus de ces zones de non-jeu. L’esthétique contre-nature de ses images opère un croisement entre définition digitale et tradition picturale. Thibault Brunet ne se comporte t-il pas un comme un peintre lorsqu’il nimbe de nuages les paysages avec la palette graphique intégrée au jeu ? En choisissant pour titres de ses images l’heure et la date de leur prise de vue, il reprend aussi la notion d’instant décisif propre à la photographie. Hybrides, ses œuvres balancent entre artifice et réalité. Réalisée avec la collaboration de Nathalie Herschdorfer, historienne de la photographie, l’exposition « Vice City » à la Galerie Binome présente une trentaine de paysages et de vues urbaines. La photographie de portrait est également présente avec une sélection issue de la première série First person shooter. Les tirages de petites dimensions prennent le contre-pied du gigantisme des formats contemporains, incitant le spectateur à se rapprocher. Il décèle alors le rendu numérique derrière l’apparence picturale. La relation à l’écran d’origine est ainsi rétablie.
Dans le cadre du Mois Européen de la Photo 2012, Thibault Brunet est aussi présent au Computer Spiele Museum à Berlin et au MUSA à Vienne.