Première exposition de Guénaëlle de Carbonnières à la Galerie Binome, Les marées de pierre réunit plusieurs ensembles photographiques récents traversés par une poétique de l’archéologie. Si l’artiste réactive les images des vestiges de notre humanité et exhume les archives d’un patrimoine imaginaire commun, elle réinvestit également par les moyens de la photographie des gestes et des processus archéologiques : relevé, fouille, prospection, reconstitution, prélèvement, stratigraphie, enfouissement, surgissement… Sans anachronisme, il s’agit de sonder en profondeur les potentialités plastiques du médium en entremêlant librement technologies digitales et procédés analogiques des âges premiers de la photographie. Les recherches artistiques de Guénaëlle de Carbonnières relèvent ainsi d’une archéologie du photographique lui-même.
Les propriétés matérielles de l’argentique viennent sceller ses reconstructions libres – l’artiste parle de « caprices » – de sites historiques à partir de sources hétéroclites, catalogues de ventes, banques d’images médiatiques, fonds d’archives. C’est alors un complexe écosystème photographique qui se dévoile à travers la manipulation d’images transmutées par une succession d’opérations et de réactions propres au médium : surimpression, surexposition, modulation de la netteté, « chimicographie », brûlure ou voile de lumière, effet de solarisation, réversibilité des valeurs… En explorant singulièrement pour chaque nouvelle série la technique du photogramme – ou « dessin photogénique » selon Talbot -, Guénaëlle de Carbonnières remonte aux origines du photographique.
(Extrait du texte d’exposition Les marées de pierre d’Anne Favier, janvier 2023)